70 ans du 3 Para : le parachute dans le dos et le regard tourné vers l’avenir

Voici sept décennies que, des plaines poussiéreuses de Kamina aux frontières numériques actuelles, le 3e Bataillon de Parachutistes est un symbole de disponibilité et d’audace. Un anniversaire porteur de sens, avec à sa tête un commandant qui envisage l’avenir dans la continuité de l’engagement, de la camaraderie et de l’évolution.

 

Le 3e Bataillon Para-Commando voit le jour à Kamina, en plein cœur du Congo belge, le 1er septembre 1955. Il deviendra plus tard le 3e Bataillon de Parachutistes. À cette époque, peu de Belges imaginaient l’ampleur que prendrait cette unité, longtemps restée méconnue du grand public. Soixante-dix ans plus tard, le 3 Para est une unité de combat spécialisée et flexible au sein de la Défense belge. Toute célébration trouve ses racines dans l’histoire, mais seul l’esprit de résilience permet de construire l’avenir.

Le 3 Para n’est pas le produit d’une manœuvre administrative. Il s’inscrit dans la continuité d’une histoire marquée par l’engagement, le sacrifice et la transmission. La jeune unité reçoit en héritage le drapeau, le cordon et la mémoire combattante du Corps de volontaires pour la Corée. De 1950 à 1955, cette unité belge a combattu sous pavillon de l’ONU dans la guerre sanglante de Corée, acquérant une reconnaissance internationale lors des combats à Imjin, Haktang-Ni et Chatkol.

 

« Cette tradition reste bien vivante au sein de l’unité », explique le lieutenant-Colonel Patrick Winnepennickx, commandant actuel du 3 Para. « Nous portons encore leur drapeau et leur insigne de béret. Dans notre caserneà Tielen, les noms des bâtiments rappellent cet héritage. Et  nous entretenons activement cette mémoire au travers de notre musée de la Corée et du  Memorial Day. »

Baptême du feu en Afrique

 

Au Congo, cet héritage parachutiste est rapidement mis à l’épreuve. Dès ses premières années, l’unité est propulsée en première ligne, avec des sauts sur Kikwit, Kindu ou Manono. Mission : dans une colonie au bord de l’effondrement, mettre en sécurité des milliers d’Européens. « Nos prédécesseurs ont appris là-bas à mener des opérations dans des conditions extrêmement difficiles », déclare Winnepennickx. « Cette expérience a laissé une empreinte durable. Elle a forgé l’identité de 3 Para. »

 

En 1962, après l’indépendance du Congo, le bataillon rentre en Belgique, d’abord à Lombardsijde, puis à Tielen. Il devient un pilier de la réactivité de l’OTAN, avec des exercices en Norvège, en Grèce et en Turquie.

 

Puis vient l’opération Red Bean en 1978. Les paras belges foncent sur Kolwezi, opèrent aux côtés de légionnaires français et parviennent à évacuer 2.300 civils. L’une des actions les plus audacieuses de l’histoire militaire belge, qui inscrit le 3 Para dans les annales.

 

Silverback : le chant du cygne d’une époque

 

Avril 1994. Après l’attentat contre le président Habyarimana, le Rwanda plonge dans un génocide qui bouleversera le monde. Dix militaires belges du 2e Bataillon de Commandos sont assassinés. Le soir même, le 3 Para reçoit l’ordre de se tenir prêt. Ce sera l’opération d’évacuation Silverback, menée à une vitesse éclair.

 

Le 10 avril, des paras belges atterrissent à Kigali, quelques heures seulement après le feu vert des autorités rwandaises. En quelques jours, ils parviennent à évacuer 1.500 ressortissants belges sous les tirs de mortier, menacés d’encerclement, alors que l’appareil d’État s’effondre. Silverback marque aussi la fin d’une époque : c’est la dernière opération à laquelle participent des miliciens paracommandos.

Retour aux sources des opérations spéciales

 

Aujourd’hui, le 3 Para fait partie du Special Operations Regiment (SO Regt). Un changement plus profond qu’une simple réorganisation : il s’agit d’un retour philosophique à l’essence du paracommando.

 

« Avec la transformation au sein du SO Regt, nous revenons en partie à nos racines », explique Winnepennickx. « L’accent est à nouveau mis sur les opérations spéciales, les capacités avancées et l’action derrière les lignes ennemies. Notre personnel peut se développer plus rapidement et davantage en profondeur dans des domaines tels que les soins médicaux, les techniques de tir, la reconnaissance ou les explosifs. »

 

Cette spécialisation n’est pas un luxe, mais une nécessité. Le monde change, le champ de bataille aussi. « Aujourd’hui, nous envoyons des petits détachements de formation en Afrique — avec notamment un retour prévu prochainement au Bénin.», indique le colonel. « Ils sont dirigés par de jeunes officiers disposant d’une grande autonomie. Cela montre à quel point nos membres sont capables d’opérer de manière indépendante. »

 

Le 3 Para dispose aussi de ses propres spécialistes du génie (Special Operations Engineer Detachment), de coordonnateurs de l’appui aérien au sein de ses équipes d’appui-feu, et de petites antennes médicales, composées de paras formés aux soins qui travaillent en lien étroit avec les unités.

Esprit d’équipe sous pression et sur le terrain

 

Le 3 Para reste avant tout une unité d’hommes et de femmes. Avec de la camaraderie, dusoutien mutuel et cette conscience partagée que le statut de paracommando va bien au-delà d’une simple description de fonction. « Un paracommando est quelqu’un qui repousse sans cesse ses limites, physiquement, mentalement et professionnellement, et ce, non seulement à titre individuel, mais en tant qu’équipe », souligne Winnepennickx. « La cohésion et la confiance sont essentielles. Et cela se ressent ici, du jeune volontaire au chef de peloton. »

 

« Nous voulons innover »

 

Les paras d’aujourd’hui portent fièrement leur histoire. Mais cela n’empêche pas certaines inquiétudes. La principale ? « Le personnel », affirme Winnepennickx sans détour. « Une importante vague de départs à la retraite s’annonce. Nous travaillons dur pour augmenter les recrutements sans baisser nos exigences. »

 

En parallèle, l’unité investit dans les technologies : moyens (contre-)UAS pour détecter et neutraliser les drones (ennemis), défense antiaérienne, communications numériques de combat. « La guerre en Ukraine montre à quel point il faut savoir s’adapter rapidement », ajoute le commandant de corps. « Nous voulons innover, mais aussi disposer des moyens pour développer des solutions en interne. Cet espace fait encore défaut aujourd’hui. »

 

Cap sur les soixante-dix prochaines années

 

Après près de onze ans passés au sein du 3 Para, le lieutenant-Colonel Winnepennickx parle de son unité avec une fierté palpable. « Au sein du 3 Para, il y a une volonté profonde de continuer à évoluer, innover et progresser professionnellement. C’était vrai hier, ça l’est aujourd’hui, et ça le restera demain. La motivation intrinsèque de nos membres est l’une de nos plus grandes forces. »

 

Soixante-dix ans après sa création, le 3 Para est bien plus qu’un ensemble de spécialistes entraînés. C’est un corps vivant, le parachute toujours sur le dos et le regard résolument tourné vers l’avenir.

Rein Van den Bergh

DG StratCom, Robin Fasseur, sympathistanten 3 Para

Clint Soete