75 ans de l’OTAN : des succès mais aussi des défis
Ce 4 avril 2024, l’OTAN souffle ses 75 bougies. Soit 75 années de dévouement au maintien de la paix, à la protection des civils, à la défense de chaque parcelle du territoire des alliés et à la garantie de la liberté comme de la démocratie. C’est l’occasion rêvée de s’entretenir avec le Général de brigade Van Goethem, qui est depuis l’été dernier le bras droit du représentant militaire belge auprès du Comité militaire de l’OTAN et de l’UE.
Le Général de brigade Van Goethem est basé au siège de l’OTAN, à Bruxelles, depuis 2021. Il a pu découvrir de l’intérieur la puissance de l’appareil de l’Alliance atlantique dans une période aussi passionnante que mouvementée sur le front géopolitique. Lors du soudain effondrement de l’Afghanistan, l’OTAN a coordonné des évacuations massives et urgentes de civils des zones de crise. Quelque temps plus tard, alors que la Russie envahissait l’Ukraine, il a fallu prendre des décisions énergiques pour assurer la protection de la population et des territoires alliés.
« We are no longer in the driver’s seat! » (« Nous ne sommes plus aux commandes »), entame le Général : « Ce sont nos adversaires ou rivaux qui déterminent à présent quelles mesures de protection sont nécessaires. Et c’est notre responsabilité de leur répondre et de les devancer. »
Protéger notre prospérité
Et cette réponse est urgente, semble-t-il. « L’OTAN est l’alliance la plus réussie de l’histoire. Elle nous a apporté plusieurs décennies de paix et de stabilité. Cependant, depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, nous avons complètement négligé le pouvoir de dissuasion et la préparation à la défense collective dont nous disposions. Au cours des 30 dernières années, nous avons beaucoup investi dans la construction de notre prospérité, mais au détriment de sa protection. Pendant ce temps, nos adversaires se sont affirmés. La Russie frappe à la porte de l’Europe et d’autres adversaires nous guettent. Nous devons urgemment rattraper le retard accumulé en 30 ans et nous assurer d’être suffisamment forts pour décourager nos adversaires. Nous devons montrer que nous sommes prêts, à tous niveaux, à protéger notre prospérité et, si nécessaire, à nous battre pour elle. C’est la seule façon de perpétuer la paix que nous avons connue au cours de ces 75 dernières années. »
Nous subissons les effets des guerres et des conflits
Mais ne vivons-nous pas en paix, en Belgique ? Alors, pourquoi se préoccuper du maintien de la paix ailleurs ? « La stabilité dans le monde assure une économie stable et une certaine prévisibilité, ce qui a un impact positif sur notre prospérité. L’instabilité et les conflits ont un impact immédiat sur chacun d’entre nous. La crise en mer Rouge est directement liée à l’inflation et au prix de notre caddie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a immédiatement fait exploser les prix du pétrole. »
En outre, souligne le Général, « nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger notre population et notre territoire des souffrances humaines, des pertes et des destructions causées par la guerre. »
Espace et réseaux
Enfin, il ne faut pas oublier l’espace et le monde cyber, insiste le Général. « Notre vie quotidienne et notre bien-être sont devenus très dépendants, notamment, des applications numériques et des satellites. Les cyberattaques contre les services gouvernementaux, les infrastructures de transport ou énergétiques ou encore les campagnes de désinformation sont des méthodes connues en complément des opérations militaires. Cela démontre d’ailleurs que poursuivre la protection de notre prospérité n’est pas seulement l’affaire des militaires, mais aussi des autorités politiques, des secteurs civil et public, et de tous les citoyens. »
Capacité d’adaptation rapide
« Pour relever ces défis, l’OTAN a défini un solide trajet d’adaptation : des plans de défense détaillés et un modèle de troupes qui doit à tout moment fournir les ressources nécessaires pour les mettre en œuvre. L’OTAN prend clairement au sérieux les menaces et s’adapte rapidement aux nouvelles réalités. Mais en fin de compte, ce sont les alliés qui doivent prévoir et fournir les budgets et les ressources nécessaires. »
En tant que membre fondateur et hôte de l’OTAN, la Belgique n’échappe évidemment pas aux attentes clairement définies pour chaque allié dans cet nouveau trajet. « Ainsi, notre pays doit disposer des capacités de combat « haut de gamme » requises (Terre, Air, Marine, Cyber, etc.) pour assumer sa part dans la défense collective en cas de conflit réel. De plus, de par sa position centrale, la Belgique doit soutenir les forces alliées qui traversent notre pays dans le cadre de cette défense et faciliter leur transport et leur ravitaillement. »
Une société résiliente
Enfin, souligne le Général de brigade Van Goethem, notre société doit être résiliente tandis que gouvernements, secteurs publics et services vitaux doivent pouvoir rester opérationnels.
« En la matière, ce n’est pas une question de ‘ou’ mais de ‘et’. Il s’agit maintenant d’attendre les décisions et les priorités politiques afin d’élargir et d’accélérer la trajectoire de croissance de l’instrument militaire qui a été amorcée. Il s’agit de mettre sur les rails une défense intégrant tous les départements, les gouvernements, l’industrie et la société dans son ensemble. Les alliés sont confrontés, individuellement, aux mêmes défis délicats et ils doivent tenir compte des contraintes budgétaires, des possibilités en matière de personnel et des facteurs socio-économiques. »
Pas de temps à perdre
Le Général de brigade est très clair : « Il n’y a pas de temps à perdre. Plus rapidement nous atteindrons nos objectifs d’adaptation, plus grandes seront nos chances de succès en matière de dissuasion. A tous les niveaux, ce sera plus bénéfique qu’un conflit, avec l’impact que cela suppose sur la population, sur infrastructures et sur nos alliés. Le facteur temps et les risques se traduisent donc potentiellement en vies humaines. Il n’y a pas d’alternative. Nous devons reprendre les commandes ».
Participations de la Défense
Les troupes de la Défense participent activement aux exercices et aux missions de dissuasion de l’OTAN. Nos militaires sont actuellement présents, entre autres, sur le flanc oriental du territoire (NATO Forward Land Forces), en mer dans le cadre du déminage (Standing NATO Mine Countermeasure Group), et dans les airs (Baltic Air Policing). La Défense participe également à plusieurs forces en stand-by qui peuvent être déployées à tout moment.