Tenby : la résilience belge sur la côte galloise
Parmi les nombreuses batailles qui ont émaillé la Seconde Guerre mondiale, un chapitre important de l’histoire militaire belge est trop souvent oublié : Tenby. Après la défaite de la campagne des 18 jours, en mai 1940, ce village pittoresque du Sud du Pays de Galles est pourtant devenu le berceau de la renaissance des forces terrestres belges. C’est ici que les Belges se sont ressaisis jusqu’à participer à la libération de l’Europe en 1944.
À deux heures de route de Cardiff, la capitale du pays de Galles, se trouve le pittoresque village côtier de Tenby. Ici, les collines verdoyantes se transforment soudain en un littoral aux maisons pastel tandis que flotte, partout… le drapeau tricolore belge.
Non, les Gallois ne célèbrent pas en septembre notre Fête nationale. La raison pour laquelle notre drapeau flotte confraternellement aux côtés de l’Union Jack du Royaume-Uni et du Dragon Gallois remonte à la Seconde Guerre mondiale. Et ce 24 septembre, pour commémorer le lien entre Tenby et la Belgique, le Tenby Memorial Committee a organisé un événement en présence d’une délégation de la Défense.
Submergée
« Le rôle de Tenby a été quelque peu occulté au cours de l’histoire », explique l’ancien Vice-chef de la Défense, le lieutenant-général Marc Thys. « Je veux contribuer à le faire sortir de l’oubli. »
Le général a dévoilé une plaque au centre du village immortalisant le lien entre les deux communautés. « Je n’ai pas entendu parler de ces événements avant de devenir Chef de la Composante Terre », reconnaît-il. « La toute première bannière qui s’est retrouvée dans la poche d’un soldat ici était celle du Bataillon des Chasseurs à Cheval. Le lien entre cette histoire et moi est évident, étant donné mon passé au sein de ce bataillon. De plus, cette bannière deviendra celle de l’escadron de reconnaissance de la future Brigade Piron. »
Dynamo
Les événements dramatiques de mai 1940 ont changé la Belgique à tout jamais. « L’armée belge a été vaincue », explique le colonel Kris Quanten, professeur d’histoire militaire à l’École Royale Militaire. « Mais tous les soldats belges n’ont pas cédé. Une partie des troupes belges s’est jointe à l’opération Dynamo. Si celle-ci visait à récupérer l’armée britannique à Dunkerque, elle offrait également une bouée de sauvetage aux forces belges qui refusaient de céder. »
« La grande question était de savoir ce qu’il adviendrait des troupes belges. Les Britanniques ont décidé de les envoyer dans un coin reculé du pays. Elles se sont finalement retrouvées ici, dans le village de Tenby. Cependant, les soldats belges n’ont pas été livrés à eux-mêmes. Le lieutenant-général Victor van Strydonck de Burkel a pris en charge ce groupe de soldats. »
Le premier bataillon
Tenby devient ainsi un site de transition pour les troupes belges au sol. « Le 1er Bataillon de Fusiliers a été formé sous le commandement de Charles Cumont », explique Kris Quanten. « Les Belges étaient responsables de la formation et de l’entraînement de leurs troupes, car les Britanniques se concentraient sur la bataille d’Angleterre, défendant leur territoire face aux attaques aériennes de la Luftwaffe allemande. »
Le tout premier bataillon a reçu son étendard le 15 février 1941 des mains du Premier ministre belge de l’époque, Hubert Pierlot, qui séjournait à Londres avec son gouvernement en exil. « Cet étendard deviendra plus tard celui de l’actuel Bataillon d’infanterie Libération 5e ligne. C’est également ici, à Tenby, que les bases ont été jetées pour la formation de la Brigade Piron, qui a vu le jour en 1943 et a participé au débarquement en Normandie. »
Un lien durable
Bien qu’habitant le village depuis 25 ans, le tout nouveau maire Dai Morgan n’a, quant à lui, découvert que récemment le lien entre la Belgique et Tenby. « J’ai davantage appris durant cette commémoration sur cette partie de l’histoire qu’au cours des derniers mois. J’ai parlé avec des familles des militaires belges qui ont séjourné ici pour découvrir que des Belges vivent également ici », sourit le maire. « Je veux m’assurer que cette histoire ne se perde pas, qu’elle puisse être transmise aux générations futures. » Avec l’inauguration du buste du lieutenant-général Victor van Strydonck de Burkel au Tenby Museum & Art Gallery, un grand pas a été franchi dans cette direction.
Alors que le défilé commémoratif parcourt les rues de Tenby sous l’œil attentif du public, une brise marine fait joliment flotter les trois drapeaux en harmonie. Un symbole du lien fraternel qui s’est forgé à une époque où tout espoir semblait perdu.