Un exercice unique qui s’intéresse à la (dés)information

« Ten seconds, blue », crie Randy, un Marine des Etats-Unis, à l’autre bout de la pièce. L’Américain avertit les forces bleues (blue forces) que leur temps de concertation est presque écoulé. Les forces rouges attendent avec impatience la décision de leurs adversaires. Je me trouve au milieu d’un wargame, où deux équipes essaient, à tour de rôle, de se surpasser l’une l’autre dans un conflit simulé. Si ce type de jeu existe depuis aussi longtemps que la guerre elle-même, celui-ci a un côté unique. « Time’s up blue, what do you got ? »

 

Devant moi se trouve une immense carte de quatre mètres sur quatre. D’un côté, il y a environ huit militaires des forces bleues, qui représentent les alliés. De l’autre côté, les forces rouges, leur adversaire dans ce scénario. J’assiste à un exercice Information Warfighter (IWX), mené pour la première fois à l’intérieur des frontières d’un pays européen de l’OTAN.

 

Difficile à transcrire

 

« L’information ou la désinformation peut affecter les civils, les troupes et les manœuvres militaires », explique le Commandant Steffen, chef des opérations du Civil-Military Engagement Group (Ci-Meg). Le Ci-Meg se concentre sur l’interaction et la coopération entre les opérations militaires et les communautés civiles.

 

Participer à des wargames classiques serait compliqué, car influencer ou informer les gens ne se transcrit pas facilement sur une carte. « Notre objectif est de persuader les gens, de pénétrer leur esprit », ajoute-t-il. « Pendant l’IWX, l’accent est mis entièrement sur cet aspect. »

 

De Quantico à la Belgique

 

C’est notre Special Forces Group (SFG) qui a mis le Ci-Meg en contact avec l’IWX, celui-ci ne se déroulant normalement qu’au Marine Corps Information Center (MCIOC) des Etats-Unis, à Quantico.

 

Le commandant explique : « Nous avons envoyé des personnes à Quantico pour acquérir de l’expérience au sein de l’IWX, mais ce n’est pas pratique de prendre à chaque fois l’avion pour les États-Unis. Grâce à l’Advanced Forces Group (AFG) des Pays-Bas, nous avons pu organiser l’exercice en Belgique. »

 

Les spécialistes d’AFG possèdent l’expertise et l’expérience nécessaires pour s’occuper à la fois de la préparation et de l’exécution de l’exercice. Cela permet à une unité militaire d’économiser beaucoup de temps et de personnel.

 

Une expérience de formation unique

 

Au cours des deux premiers jours, les participants ont assisté à une simulation de manœuvre de brigade, intervenant en tant que Information Operations Planners (IOP). Randy, spécialiste du domaine de l’IWX au MCIOC, souligne la complexité et la nature innovante de l’exercice. « L’objectif est d’utiliser les informations pour influencer les décideurs, leur public cible. Il peut s’agir d’un commandant militaire, d’un bourgmestre ou même de la population locale. Nous travaillons ici au niveau tactique d’une brigade, qui s’inscrit dans les lignes de la Défense belge. »

 

Facebook et Instagram

 

Chacune des équipes délègue un IOP qui se lance dans un duel verbal avec son adversaire à travers la carte. C’est là que l’aspect unique de cet IWX revient sur le devant de la scène. J’entends des suggestions telles que : « Nous allons utiliser Facebook et Instagram pour convaincre les habitants de se révolter » plutôt que « Nous allons attaquer l’objectif X avec une colonne de chars ».

 

Ce genre de wargame se déroule dans les profondeurs d’un conflit, pas sur la ligne de front. Il s’agit de produire un effet qui facilite le mouvement des troupes.

 

Inspiration internationale

 

Si la Belgique est le premier pays de l’OTAN, en dehors des Etats-Unis, à importer ce wargame, l’exercice a déjà suscité l’intérêt d’autres alliés tels que la France et la Lituanie. « Notre coopération avec les Américains a rendu cela possible », conclut le commandant. « Cela nous permet de sortir des sentiers battus et d’explorer les aspects cognitifs de la guerre. »

 

Cette approche novatrice de la formation militaire souligne l’importance de l’information dans les conflits contemporains et offre une nouvelle perspective sur l’intégration des opérations psychologiques et stratégiques dans la planification militaire.

Rein Van den Bergh

Adrien Muylaert