Donner du sens à notre métier !

Pour certains, l’utilité d’une capacité ou d’une unité est évidente car très tangible. J’imagine que les équipages de nos hélicoptères de sauvetage ne se posent pas trop de questions. Il en va de même pour les équipes du SEDEE qui interviennent sur tout le territoire pour neutraliser des engins explosifs ou pour appuyer les forces de police. C’est également valable pour nos pilotes F-16 qui assurent la police aérienne dans les espaces aériens du BENELUX ou les navires de patrouille côtière qui œuvrent à la sécurité de notre espace maritime, le personnel du centre des grands brûlés de l’hôpital militaire ou encore le centre de psychologie de crise, fortement sollicités ces dernières années. Tous ces services, toutes ces unités sont souvent sous les feux de l’actualité. Ils montrent leur utilité au quotidien et ressentent l’adhésion de nos concitoyens par rapport à la relevance de leur mission. Je ressens d’ailleurs une motivation et un enthousiasme très palpable lorsque je rends visite à ces unités.

 

Il en va de même, mais peut-être pour d’autres raisons, dans les unités impliquées dans leur propre transformation. L’introduction de nouveaux systèmes d’armes, de nouveaux véhicules, de nouveaux avions ou navires, la réalisation de projets d’infrastructure menés en parallèle, les avancées au niveau du recrutement et des initiatives RH donnent une impulsion et créent une spirale positive au sein de nombreuses unités. De plus, la motivation semble décuplée lorsque les capacités ou l’expertise sont reconnues et/ou utilisées dans un cadre différent que celui de l’entrainement quotidien. Le commandement Cyber en est un parfait exemple; la capacité de transport aérien qui livre le matériel en appui à l’Ukraine ou qui rapatrie des ressortissants, les équipes médicales déployées dans le cadre de BFAST ou encore les équipes Very Shallow Water qui appuient parfois la Police fédérale avec leurs petits drones sous-marins en sont d’autres. Le caractère dual de toutes ces unités renforce naturellement leur relevance et donne dès lors davantage de sens à leurs missions et est une source de beaucoup de motivation pour leur personnel.

 

Même si toutes ces activités améliorent notre visibilité dans la société, nous avons tendance à oublier que la finalité première de toutes ces capacités est de mener ou d’appuyer les missions essentielles de la Défense. Et pour être capable de remplir ses missions essentielles, la Défense s’articule autour de nombreuses autres capacités au sein desquelles le personnel pourrait être d’avantage enclin à se poser des questions d’ordre plus « existentielles ». Je ne vois pourtant aucune raison de douter. Notre raison d’être première est la défense du territoire national et la protection des intérêts vitaux de notre pays aux cotés de nos Alliés. En cas de conflit, la défense du territoire est même la première priorité. L’armée ukrainienne nous en fait actuellement la démonstration de manière tellement inspirante mais en même temps tellement tragique et tangible. En nous préparant à ces scénarios, dans le haut du spectre de la violence, nous contribuons à l’effort commun de dissuasion aux côtés de nos Alliés.

 

La dissuasion ne fonctionne que lorsque le prix à payer, qu’il soit économique, politique, moral, matériel ou humain, est plus élevé que les bénéfices que l’adversaire potentiel espère en retirer. C’est pour contribuer à cette dissuasion que nous déploierons bientôt des détachements en Roumanie et en Lituanie, des frégates et des chasseurs de mines au sein de l’OTAN ou d’autres Task Groups maritimes ainsi que des avions de chasse F-16 dans les pays baltes. C’est pour cette raison également que nous déployons des centaines de militaires en mission d’entraînement aux « quatre coins du monde ». Des F-16 sont déployés en Norvège dans le cadre de l’exercice Arctic Challenge, des unités de la Brigade motorisée ont participé à l’exercice ORION en France, des unités du Special Operations Regiment sont en Jordanie et des frégates sont intégrées – le temps d’un exercice – au sein du Carrier Strike Group du Royaume-Uni. Toutes ces unités et leur personnel contribuent d’une manière ou d’une autre à l’effort de dissuasion de l’OTAN et des partenaires européens.

 

Le conflit en Ukraine nous a rappelé que la période de paix durable que notre continent a connue les sept dernières décennies est définitivement révolue. La compétition entre grandes puissances façonne le monde d’aujourd’hui et donnera forme à celui de demain. Notre tâche consiste à nous préparer pour pouvoir à faire face à des conflits qui, nous l’espérons, n’auront jamais lieu. Il est pour cela de notre devoir de développer des Forces Armées crédibles et robustes, afin de pouvoir remplir cette mission et assumer cette responsabilité de façon solidaire avec nos partenaires. Nous le répétons souvent mais nous devons continuer à l’expliquer, au monde extérieur naturellement, mais aussi en interne. Nous devons notamment être capables de protéger notre territoire, notre économie et notre prospérité. Nous le faisons aux côtés de nos Alliés parce que, vu les caractéristiques de notre pays avec son économie ouverte, nous ne pouvons pas nous isoler par rapport à eux mais nous devons, au contraire, renforcer cette solidarité qui est le ciment de notre système de défense. Nous devons être capable de préparer notre organisation et notre pays à faire face à un futur incertain. Pour ceux parmi nous qui recherchent le sens de leur métier, c’est dans ce triptyque du « pourquoi » qu’il faut le trouver.

 

Notre métier demande un véritable engagement de tous les membres de la Défense, militaires et civils. Cela requiert du courage et mérite le respect. S’engager à la Défense c’est être disposé à servir son pays, et a fondamentalement du sens. Nous devons continuer à l’expliquer aux plus jeunes parmi nous et tout particulièrement à ceux qui n’en prennent pas pleinement conscience. Et comme me le faisait récemment remarquer un Chef de Corps, rien ne nous empêche en plus d’éprouver de la satisfaction à exercer notre métier, au contraire. Le fait d’être conscient et de savoir ce que l’on fait et, en plus, de le vivre avec passion et plaisir ne peut que contribuer à une plus grande motivation et au sentiment positif d’appartenir à un groupe soudé.