Une légende s’en va : adieu, Zenobe Gramme

Le 26 juillet dernier, la Marine a fait ses adieux à un voilier légendaire : le Zenobe Gramme. À l’occasion de la cérémonie de retrait et de dépôt de son pavillon, retour sur ce navire emblématique. Tantôt bateau scientifique, tantôt navire-école, il a marqué des générations d’apprentis marins, du matelot à l’amiral.

 

Mis à flot il y a plus de 60 ans, le Zenobe Gramme a parcouru environ 410 000 milles nautiques, soit 19 fois le tour de la terre. À son bord, plus de 4 300 personnes ont navigué sous 24 commandants. Alain Vittone, commandant du voilier de 1989 à 1995, se souvient : « J’ai été instructeur sur ce navire pendant trois ans et j’ai eu la chance de former, entre autres, l’amiral Michel Hofman, notre ex Chef de la Défense, pendant cette période. »

 

Un adieu difficile

 

Le commandant Gerd Huygh, à la barre du Zenobe Gramme depuis janvier 2023, n’a pas été formé à bord de ce navire, mais il est un véritable loup de mer. Il a rejoint la Marine à l’âge de 16 ans en tant que mécanicien et a gravi les échelons. Dernier commandant du voilier, il déclare : « C’est un adieu difficile. Comme un enterrement en fait. Il y a une vraie cohésion parmi l’équipage, comme une famille, et une volonté inébranlable de surmonter chaque défi. »

 

Sous le commandement de Huygh, près de 130 étudiants ont appris à lever les voiles. Le navire-école a formé des futurs officiers et sous-officiers, et chaque été, il accueillait une trentaine de jeunes pour des camps de voile, les initiant à la navigation et à la vie à bord.

 Un ambassadeur mondial

 

Le Zenobe Gramme a vogué de Nieuport à Ostende, explorant l’Islande, la Norvège, la mer Baltique et la Méditerranée. Ce voilier a participé à de nombreuses courses, dont la régate Colombus pour célébrer les 500 ans de la découverte des Amériques, impliquant 275 voiliers venus de tous horizons.

 

Alain se souvient : « Au large du Portugal, nous avons été confrontés à une dépression qui, au lieu de se déplacer vers le nord-est comme d’habitude, s’est dirigée vers nous. Nous avons eu des pointes de vent à 76 nœuds », un cauchemar dont lui et son second Louis se souviennent bien.

 Un acteur de l’histoire

 

Le Zenobe Gramme, conçu par l’ingénieur naval Frank Van Dyck pour un coût de 25 millions de francs, avait pour parrain, le Brussels Royal Yachting Club. Sa fonction initiale était la recherche océanographique, d’où sa devise : « Quarendo invenies » (Qui cherche trouve).

 

Son nom, en hommage à l’inventeur liégeois de la dynamo, avait été initialement concurrencé par Electron et Daisy Bell (Decibel), trouve-t-on dans un article du Neptunus de juillet 2001 : A958 Zénobe Gramme Histoire | PDF (scribd.com).

 

Le Zenobe Gramme a accueilli également les premières femmes à bord. Alain Vittone raconte : « Pendant les grandes courses des grands voiliers, nous échangions des cadets avec d’autres navires et je demandais d’avoir des femmes à bord. Cela a apporté un plus énorme. Ensuite, j’ai engagé des femmes de la Marine parce que j’avais besoin de volontaires pour naviguer, et tout le monde était le bienvenu. » Contrairement à la légende, une femme ne porte pas malheur sur un voilier, mais le mot « lapin », ce rongeur de cordages, oui.

Bon vent à ce navire légendaire, qui a formé et inspiré tant de marins et d’aventuriers.

Y. Willems

Adrien Muylaert, Marine & Archives www.belgian-navy.be

Mathieu Duhembre