La force de notre équipe est plus que la somme des individus

A la Défense, le « Nous » est plus important que le « Je ». Aucun de nos projets, aucune de nos réalisations, n’est le fruit du travail d’une seule personne. Le mérite revient toujours à l’équipe. L’émotion présente chez de nombreux collègues lors de la cérémonie du Roll out F35 à Fort Worth aux Etats-Unis en décembre dernier en est une très belle illustration. Il en va de même pour les autres grands programmes des différentes composantes ainsi que les grands projets d’infrastructure. Le sentiment d’appartenir à une équipe soudée est probablement ce qui caractérise le mieux notre organisation et nous distingue de beaucoup d’autres. Cette cohésion est indispensable pour mener des opérations et, au besoin, combattre ensemble. C’est le résultat de nos formations et de nos entrainements qui nous exposent à des situations complexes, parfois dans des environnements rudimentaires. Ces entrainements visent surtout à renforcer cette confiance mutuelle indispensable lorsque nous sommes confrontés à des situations périlleuses. Tout cela consolide notre résilience qui est notre première ligne de défense.

 

La résilience c’est la capacité de tenir dans la durée, dans l’adversité, dans la souffrance et à pouvoir rebondir malgré des circonstances difficiles (ou pénibles). Ce qui se passe en Ukraine, entrée dans une troisième année de conflit, en est la meilleure illustration. Le pays entier s’est mis littéralement en ordre de bataille pour atteindre ses objectifs, ou du moins pour veiller à ce que l’ennemi n’atteigne pas les siens. Au niveau de la société, la résilience se prépare et se construit par la coopération mutuelle entre départements, secteurs, acteurs publics et privés. Le volet militaire de la résilience se construit aussi et se développe au travers de plans qui se déclinent en différents volets.

 

Au niveau organisationnel, les plans visent à maintenir notre capacité à effectuer nos missions clés avant, pendant ou après un événement ou une action disruptive, intentionnelle ou non. C’est dans cet esprit que le plan STAR a prévu le nombre véhicules de combat et d’appui de façon à équiper toutes les unités avec leur matériel organique. C’est pour donner de la profondeur à ses unités que la Défense insiste tant sur la nécessité de se constituer des stocks suffisants de pièces de rechange et de munitions. Pour pouvoir combattre il faut pouvoir s’entrainer et pour que cet entrainement soit efficace, il faut suffisamment de munitions, d’équipement et de pièces de rechange. C’est une approche purement professionnelle, opérationnelle, capitale aussi pour la sécurité de notre personnel. Un militaire bien équipé et bien entraîné a confiance et est plus performant.

 

Le volet « personnel » est au moins aussi important et il justifie, au niveau organisationnel, le besoin de se constituer une réserve opérationnelle mobilisable. Un autre pan de ce volet se décline au niveau individuel et humain. La résilience militaire commence par la résilience physique et mentale de chaque individu. Elle se construit par la formation et l’entrainement des femmes et des hommes pour les préparer à leurs missions, par le développement des compétences relationnelles et de leadership à tous les niveaux, par l’adoption de l’attitude qui s’inscrit dans nos normes et nos valeurs. La résilience doit surtout nous permettre d’aussi rebondir après des revers.

 

Développer cet état d’esprit demande du temps, c’est clair. La cohésion du groupe est primordiale dans ce processus et peut se développer de différentes manières. Que l’on soit fantassin, logisticien, marin, infirmier, technicien, pilote ou médecin, le fait d’avoir vécu des périodes intenses, opérationnelles, sportives ou autres, renforce la cohésion du groupe. L’équipe est plus importante que l’individu mais l’ajout de bons individus renforce l’équipe.

 

L’importance d’un bon leadership ne peut en aucun cas être ignorée voire sous-estimée. Un chef ne doit pas se faire apprécier, il doit avant tout se faire respecter par sa manière de diriger son équipe, par l’attention qu’il porte à ses subordonnés, par la définition d’objectifs ambitieux, motivants et réalistes, et enfin, par son empathie envers son personnel. « A ship is like his captain » est un adage souvent utilisé dans le monde maritime et il est transposable dans toutes les situations. A la tête d’une unité ou d’un service professionnel et opérationnel au sein duquel le personnel se sent bien, on trouve presqu’automatiquement de bons chefs. Un leadership fort et juste assure le bon fonctionnement d’une unité ou d’un service et constitue également un facteur déterminant de la résilience d’une unité. Cela demande beaucoup de travail, une bonne communication, du respect et une belle dose de courage aussi.

 

Je tiens enfin à souligner le facteur peut-être le plus important de la résilience : le soutien de notre « autre équipe », notre front familial, de sang ou de cœur.  Nos partenaires, nos enfants, nos parents, nos amis et tous nos proches qui restent « derrière » lorsque nous sommes absents. Ce sont eux qui doivent s’adapter ou se réorganiser lorsque notre programme est modifié ou perturbé et chamboule (ou bouscule) le planning familial. Ce sont eux qui s’inquiètent lorsque nous nous déployons pour des missions plus délicates voire dangereuses. Ce sont eux aussi qui nous partagent leur fierté envers nous, envers notre engagement pour la sécurité et la paix de nos concitoyens.  Ce sont eux qui, grâce à leurs encouragements et leurs petites victoires du quotidien, parviennent à faire naître un sourire sur notre visage dans des moments parfois sombres.  Leur appui est inestimable pour chacun de nous et nos « sorts respectifs » sont liés.  Nous devons en effet nous sentir soutenus pour pouvoir exercer notre métier l’esprit serein et nos familles doivent, elles aussi, se sentir soutenues et reconnues pour pouvoir nous soutenir. Alors, permettez-moi de leur adresser, à travers vous, mes remerciements.

 

Lorsque toutes les « pièces du puzzle » évoquées ci-dessus sont bien en place, l’on réalise de belles choses. Le détachement A400M déployé à court terme en Jordanie pour distribuer l’aide humanitaire à la population de Gaza, le détachement F16 au Danemark qui s’investit dans la formation des pilotes ukrainiens, l’équipe médicale déployée à bord d’un navire français au large de la Palestine ou dans un hôpital de Kinshasa en sont quelques exemples. L’on peut y ajouter de nombreux projets comme l’introduction des avions MQ9B sur la base de Florennes dans des infrastructures toutes neuves, la réalisation de centaines de dossiers d’acquisition et la multitude d’initiatives réalisées dans le domaine du recrutement et de la formation. Les succès renforcent l’esprit d’équipe et la cohésion et en inspirent d’autres qui, dans l’adversité, doivent démontrer leur capacité à rebondir. Tout ceci renforce notre résilience et renforcera aussi la confiance que nous devons mériter de la part de la population au service de laquelle nous œuvrons.