La menace internationale : avant-propos dans INSIGHT

Le Chef de la Défense a écrit l’avant-propos d’ « INSIGHT », une publication semestrielle destinée aux partenaires de l’OCAM.

 

Le 4 avril, au lendemain du retrait des troupes russes du nord de l’Ukraine, le monde entier faisait la découverte des images des atrocités commises à Boutcha, une ville dans la banlieue de Kiev. Les images étaient accompagnées de nombreux témoignages de civils et d’images satellites indéniablement très compromettantes pour les troupes russes. Néanmoins, ces mêmes images ont été présentées par la puissante machine de propagande du régime russe comme des fake news et des « mises en scène » de l’Ukraine. Quelques jours plus tard, une cinquantaine de civils ont été tués dans la gare de Kramatorsk. Très rapidement, des vidéos discréditant la Russie ont été retirées des réseaux sociaux russes. Outre la vague d’indignation et d’horreur que ces images et ces faits ont provoquée, il ne s’agit là que de quelques illustrations du pouvoir de la guerre de l’information russe. Elle fait partie intégrante de la guerre hybride que la Russie mène contre l’Occident depuis de nombreuses années. L’objectif est de semer le doute et la discorde, et de déstabiliser.

 

Le passé comme le présent montrent que la manipulation efficace de l’information et de la communication a un impact majeur sur la faculté de perception individuelle et collective. Les réseaux sociaux jouent un rôle de catalyseur dans ce processus. Le « régime russe » a particulièrement développé ses compétences dans ce domaine : elles s’inscrivent dans une doctrine qui ne se limite pas à l’aspect militaro-technique. C’est un concept éprouvé qui a déjà été appliqué par le passé sous la forme de cyberattaques, de propagande et de désinformation. Toutes ces activités se déroulent toujours juste en dessous du seuil de ce qui est « admissible », afin d’éviter un conflit, avec comme difficulté supplémentaire la quasi-impossibilité d’en attribuer formellement la responsabilité.

 

Les pays occidentaux, et la Belgique en particulier, n’en ont pas été épargnés, comme en témoignent les différentes opérations visant à influencer le résultat d’élections, les campagnes de désinformation entourant le Brexit, ou l’instrumentalisation du mécontentement relatif aux mesures sanitaires. En définitive, l’objectif est d’imprégner une partie de la population d’un narratif et de susciter la polarisation au sein de la société. La récupération par des groupes extrémistes peut jeter de l’huile sur le feu et accroître davantage cette polarisation.

 

Les technologies d’information et de communication ont profondément transformé notre monde. Il s’agit d’un environnement très complexe qui évolue rapidement, dans lequel un large éventail d’acteurs opère pour influencer les perceptions et atteindre certains objectifs. Pour y faire face, une communication stratégique est indispensable. Tous les acteurs fédéraux doivent pouvoir s’inscrire dans un processus fédéral structurel de StratCom, qui d’une part, soutient de manière proactive les objectifs et les valeurs stratégiques belges aux niveaux national et international, mais qui, d’autre part, permet d’identifier les tendances potentiellement négatives et les campagnes de désinformation, et d’y répondre si nécessaire.

 

Un premier pas a été fait dans cette direction. L’actuelle Information Warfare dispose d’un mandat pour surveiller, analyser et signaler les manipulations et interférences étrangères en matière d’information. En outre, une Taskforce StratCom est actuellement mise en place en Belgique, sous la coordination de l’OCAM, en collaboration étroite avec la Défense et les Affaires étrangères, et avec le soutien d’autres services publics fédéraux. Cette Taskforce surveillera l’impact de la guerre en Ukraine et formulera les recommandations nécessaires en matière de communication d’un point de vue sécuritaire. À terme, cette Taskforce devrait faciliter le développement d’un processus fédéral structurel de StratCom et mieux armer notre pays pour qu’il puisse jouer son rôle de protecteur dans le domaine de l’information.

 

Face à cette nouvelle menace interétatique, il n’est pas surprenant que la présente édition de l’Insight revête une dimension internationale, allant au-delà de la crise en Ukraine. En outre, la polarisation et la radicalisation restent un danger pour notre société, d’où l’attention portée à ce thème, dans l’ère « post-mesures Covid-19 ».

 

Un troisième dossier traite des problèmes toujours existants de radicalisation, d’extrémisme et de terrorisme dans le monde carcéral. Un large éventail de sujets, donc, qui souligne une fois de plus la nécessité d’une bonne coopération et d’une bonne coordination entre tous les services impliqués.